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Dr. Esculape, le Serpentaire

Era una vez un arte campesino y plebeyo
como todos nosotros pero,
en una de sus más belas auroras, soño,
yo seré más, más que todas las otras artes
poseeré todas las vidas, poseeré hasta las vidas
de los reyes, seré arte de las artes...

José Maria Tavares de Andrade

POUR UNE ETHNOIMMUNOLOGIE

Si nous considérons les phénomènes immunitaires du point de vue diachronique, nous sommes contraints de reconnaître un maillon souvent oublié que j'explicite sous le nom d'ethnoimmunologie. Ce nouveau champ de l'ethnomédecine, au carrefour de plusieurs domaines, est avant tout une perspective et un appel à des efforts interdisciplinaires pour la reconnaissance /connaissance des phénomènes et des contextes qui peuvent s'avérer pertinents - pour une ethnoimmunologie.

Dans les années soixante-dix, Roger Bastide - ethnologue et médecin à l'Hôpital des Invalides, alors mon directeur de thèse - distinguait dans le contexte africain la magie du "sorcerer" par opposition à celle des "witch" : "La substance qui se trouve dans l'estomac de certaines personnes, qui peut être et qui est en général, héritée - mais qui peut aussi être introduite du dehors - fait de l'individu qui en est possesseur, un sorcier" (Cf. son article "Magie" in Encyclopaedia Universalis).

En étudiant la magie à l'articulation du champ religieux et du champ médical, j'ai pu identifier des guérisseurs brésiliens, immunisés et immunisants, qui utilisent leur salive comme une certaine forme de vaccin ou de sérum. Dans des pratiques traditionnelles du Brésil, par exemple, on mangeait un organe d'un serpent pour être immunisé contre son venin.

A l'occasion de la Journée d'étude sur "Les orifices du corps" (octobre 2001, Université Marc Bloch - Strasbourg), cf. Méchin, C. et al., Le corps et ses orifices, préface de Mazars, G. (Paris, l'Harmattan, 2004), j'ai présenté cette proposition d'une ethnoimmunologie, dans le même temps qu'ont été confirmées, par l'ethnographie de l'Europe et d'ailleurs, des pratiques traditionnelles qui peuvent s'avérer pertinentes du point de vue immunologique.

Nous plaçons dans un continuum les phénomènes immunitaires et les procédures naturelles et artificielles d'autodéfense, pour enraciner le culturel dans le biologique et lui-même dans le physique. L'ethnoimmunologie ne se définit pas comme une préhistoire oubliée de l'immunologie. Elle envisage l'étude comparative des phénomènes d'immunisation naturelle (ou du point de vue microbiologique, organique, animal) et des procédés d'immunisation artificielle. En plus de la constatation des phénomènes naturels, qui ont suscité la recherche de moyens propres aux découvertes actuelles, on propose une prise en considération des pratiques traditionnelles (de médecine mais aussi d'hygiène, de prophylaxie, de puériculture et pourquoi pas de cure magique) susceptibles d'être corroborées du point de vue biologique. L'identification des pratiques ethnographiques et leur analyse du point de vue de l'immunologie, en plus des nouvelles découvertes médicales, pourraient légitimer des pratiques traditionnelles trop souvent réduites à des pratiques exotiques, irrationnelles ou en continuité avec le monde animal.

L'actuelle conjoncture de bioterrorisme, nous aide à regarder différemment de vieux et de nouveaux défis et enjeux. Des peuples autochtones victimes de génocides, dus notamment aux maladies des colonisateurs, se sont finalement immunisés au fil du temps. Ils voient leur démographie croître et rappellent à présent avoir été les premières victimes de guerres biologiques.

Au contraire d'une médecine moderne qui méconnaît ou nie certaines maladies traditionnelles, le champ de l'ethnoimmunologie peut représenter un réinvestissement des catégories savantes couvrant une réalité non encore décrite. Il s'agit d'aller à la rencontre de pratiques humaines pouvant finalement s'intercaler entre une immunité " naturelle " (auto-immunité somatique, organique, animale, microbiologique), et une immunité " artificielle" (de médecine scientifique ou moderne). L'ethnoimmunologie peut établir un dialogue perdu entre les médecines, ces médecines beaucoup plus distantes dans les codes et les moyens que dans leurs buts premiers.

J.-M. Tavares de Andrade - Séminaire du 29 mai 2004 (Cliché G. Mazars)

L'AUTEUR

Le professeur Tavares de Andrade est un anthropologue brésilien. Très jeune, il s'occupe déjà de culture populaire: musique, religiosité et médecine traditionnelle. Diplômé en Philosophie, Sociologie et Linguistique, il a été élève de Roger Bastide, et a soutenu une thèse sur Religiosité et système symbolique (Paris III, Sorbonne Nouvelle, IHEA, 1976) traitant de l'existence d'une mythologie vivante au Brésil. Il a participé à la création d'un réseau de "Phytothérapie en service public" au Brésil et en Amérique latine (cf. Andrade, J.M.T.de, et al., Medicina tradicional en sistemas formales de salud CMA, Cusco, 1989 et Medicina Tradicional 500 años después, Santo Domingo, 1993). Il est parti du point le plus oriental de l'Amérique pour refaire le chemin des épices et des simples (plantes médicinales), en séjournant sur la côte indienne de Malabâr, la Rome de l'Orient. Il travaille sur l'Epistémologie de la Complexité dès son Post-doctorat auprès d' E. Morin (EHESS, 1989), et donne souvent des cours au Brésil à ce sujet.

Contact : José Maria Tavares de Andrade, 36, rue de Sélestat - F-67100 Strasbourg
Tel : 33 (0) 3 88 34 03 33 - E-mail: zeandrade@free.fr

© J.M.T. de Andrade, 2004

Toute référence à ce texte doit porter la mention suivante : De Andrade J.M.T., "Pour une Ethnoimmunologie". 21 juin 2004. [+ date d'accès au site.]
[http://ethnomedecine.free.fr/textes/ethno_im.htm]


 
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